En Bref
L’Education nationale a fait de l ‘école inclusive un de ses chevaux de bataille, mais l’accueil sur les temps péri et extrascolaires reste un angle mort de cette politique. S’il reste encore beaucoup à faire, de nombreuses collectivités ont décidé de mettre sur pied une politique volontariste de l’accueil des enfants en situation de handicap sur tous les temps scolaire. Recrutement d’accompagnants, formation des équipes, analyse de pratiques… autant d’actions qui permettent de proposer un accueil de qualité. Une politique d’inclusion pensée globalement, en s’appuyant sur un partenariat avec des acteurs médico-sociaux, permet d’envisager l’accueil des enfants en situation de handicap au-delà d’une aide humaine. Mais cette inclusion représente un coût non négligeable, d’autant que les soutiens des Caisses d’allocations familiales et des Agences régionales de santé varient d’un territoire à l’autre.
Paru dans la Gazette des communes du 31 mai 2021
Si l’éducation et l’accès à l’école pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit fondamental, consacré par la loi handicap du 11 février 2005, nous sommes encore loin d’une école totalement inclusive. Certes, le nombre d’enfants en situation de handicap accueillis en classe ordinaire a plus que triplé depuis 2006, mais « il y a un décalage entre le discours politique et la réalité de l’école inclusive », dénonce Laetitia Aresu, secrétaire nationale du Sgen CFDT. Sur le terrain, les familles, comme les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) constatent que cette progression quantitative se fait souvent au détriment de la qualité de l’accueil. Manque de valorisation des accompagnants, difficultés de recrutement, absence de formation… la liste des dysfonctionnements est longue, qui touchent aussi les temps péri et extrascolaires.
De fait, le rapport de la mission nationale « Accueils de loisirs & handicap » rendu en décembre 2018 dresse un constat sévère sur l’accès aux loisirs des enfants en situation de handicap. « Les bénéficiaires de l’Allocation d’éducation pour enfant handicapé (AEEH) totalisent à peine 0,30% de la fréquentation totale dans les accueils de loisirs sans hébergement […], soit sept fois moins que ce qu’elle devrait être a priori » révèlent les auteurs. D’après le Défenseur des droits (1), quatre raisons majeures fondent les refus d’accès aux temps de loisirs : l’insuffisance de moyens pour financer un accompagnant individuel auprès de l’enfant ; les craintes liées à la sécurité ; l’absence de personnels qualifiés et l’incompatibilité du handicap de l’enfant avec les activités proposées. Pour Virginie Lanlo, adjointe au maire de Meudon (Hauts-de-Seine, 45 748 hab.), et membre de l’Association des maires de France (AMF), ces refus sont le plus souvent le fruit d’une méconnaissance ou d’une appréhension de professionnels ou d’élus : « Avec de la médiation et un peu de bon sens, l’accueil peut se faire sans débourser des sommes considérables. Mais il faut que chaque collectivité prenne le sujet à bras le corps ».
Des référents et des formations
Pour soutenir les agents, souvent démunis face au handicap, les communes les plus volontaristes ont ainsi créé des postes de référent handicap. A Toulouse (Haute-Garonne, 486 828 hab.), la référente, arrivée en 2016, s’est d’abord focalisée sur le recrutement d’assistants de vie de loisirs (AVL) qui accompagnent les enfants en situations de handicap sur les temps péri et extrascolaires. En 2020, la ville a décidé d’étoffer cette cellule inclusion handicap d’une coordinatrice handicap à temps plein dotée d’un profil d’éducateur spécialisé. « Recruter une aide humaine avec des contrats précaires ne suffit pas. Pour un accueil qualitatif, il faut aussi accompagner les professionnels », explique Elodie Chabaud, directrice de l’éducation. C’est ainsi qu’à Metz (Moselle, 116 581 hab.), tous les enfants sont chaque année sensibilisés au handicap et tous les agents travaillant dans les écoles sont formés à cet accueil.
S’adapter à la singularité de l’enfant
La difficulté de l’accueil provient aussi de l’absence de notification des MDPH. Beaucoup limitent leur intervention au temps strictement scolaire. Et quand elles se prononcent sur les temps périscolaires, ils ne font l’objet d’aucune évaluation. A Saint-Etienne (Loire, 173 089 hab.), le référent handicap vient donc évaluer les besoins d’aide directement à la cantine « au plus près des difficultés rencontrées par les agents », affirme Sandrine Morent, directrice petite enfance, éducation et jeunesse. De même à Toulouse où lorsque les notifications sont peu claires, ou absentes, la cellule inclusion fait des observations directement sur le terrain. A Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne, 63 309 hab.), on essaie de contourner la difficulté avec un protocole d’accueil adapté. Un entretien est ainsi organisé avec Valérie Marquès, chargée de mission prévention et protection de l’enfance (voir ci-contre), les parents, et le responsable du centre d’accueil de loisirs pour échanger sur les besoins spécifiques de l’enfant : aides humaines, matériel adapté, techniques de communication… « Cela concerne tous les enfants à besoins particuliers, que leur handicap soit reconnu ou non, et qu’ils soient ou non inscrits à l’école. Ce protocole permet de contractualiser les périodes d’adaptation et de fréquentation », précise Dominique Montet, directrice générale adjointe en charge du pôle éducation. Cet accompagnement est réévalué chaque année, en fonction de l’évolution de l’enfant. Un décloisonnement s’est également engagé avec l’Education nationale. « Depuis deux ans, nos animateurs participent aux réunions éducatives concernant le handicap ce qui accroit la cohérence de prise en charge entre les différents temps de l’enfant et valorise les agents de la collectivités », se réjouit Dominique Montet.
Un recrutement difficile
Pour accompagner les enfants qui nécessitent une aide humaine, les collectivités sont amenées à recruter. Toulouse est ainsi passé de 10 AVL en 2016 à 88 en 2020. Recruter les AESH sur les temps périscolaires est possible, mais ils ne le souhaitent pas toujours. « Pour contourner les difficultés de recrutement, nous réfléchissons à spécialiser certains animateurs intéressés par l’accompagnement individuel d’un enfant au sein d’un collectif. Mais pour cela nous devons faire connaître et valoriser le métier d’AVL » convient Elodie Chabaud. A Ivry-sur-Seine, ce sont aussi des animateurs formés qui prennent en charge l’enfant en situation de handicap, tandis qu’un vacataire est recruté pour le remplacer. « Compte-tenu du nombre d’enfants concernés, nous allons créer huit postes d’animateurs dédiés au handicap en 2022 », ajoute Dominique Montet. Ces personnes interviendraient les mercredis et durant les vacances scolaires exclusivement auprès des enfants handicapés, et ne pourraient pas, comme c’est souvent le cas, remplacer les personnels d’animation absents, admet Valérie Marquès.
Décloisonner les institutions
Pour engager un processus global d’inclusion, la solution passe surtout par un travail étroit avec le secteur médico-social. C’est la stratégie déployée par Saint-Herblain (Loire Atlantique 46 352 hab.) qui a ouvert en 2014 la première unité d’enseignement externalisé pour l’autisme de sa région, suivie en 2019 et 2020 de deux nouvelles unités élargies à d’autres handicaps. « L’Agence régionale de santé (ARS) cherchait une ville partenaire. Nous avions déjà un lien fort avec l’Adapei 44, association de parents d’enfants en situation de handicap, et acteur médico-social », témoigne Marie-Agnès Chopin, directrice de l’éducation de la ville. « Nous nous sommes vite rendus compte que nous avions un rôle de médiation important à jouer entre l’ARS, l’unité médico-sociale et l’Education nationale », insiste-t-elle. Un décloisonnement entre institutions qui a ensuite facilité l’instauration en février 2020 du Dispositif d’appui ressources aux professionnels des écoles publiques et des services municipaux de St Herblain. Depuis 2017 l’association proposait déjà des rencontres avec les professionnels des crèches municipales, les Agents territoriaux des SEM en maternelle, les animateurs du périscolaire, et les familles des enfants accueillis. Depuis 2020, l’Education nationale est aussi incluse dans la démarche. « Cinq fois par an l’Adapei rencontre les professionnels des 23 groupes scolaires pour des réunions d’analyse de pratique. Elle peut aussi accompagner les professionnels sur des situations particulières », détaille la directrice de l’éducation. En parallèle, la ville va mettre en place un dispositif de formation de 18 à 24 mois en accompagnement d’équipe avec l’association HandiSup. Un dispositif financé par la Caisse d’allocation familiale (CAF). Ce pôle doit démarrer en septembre 2021 et suivre entre trois et cinq équipes d’agents travaillant dans les écoles et les accueils de loisirs. Car pour Marie-Agnès Chopin « l’inclusion ne se limite pas à de l’aide humaine. C’est aussi faire en sorte que l’ensemble du groupe d’adultes et d’enfants contribue à faciliter l’accueil de l’enfant porteur de handicap. »
(1) « Le cadre juridique de l’accueil de loisirs des enfants en situation de handicap » – Octobre 2019