Orko, le chien qui libère la parole des enfants en danger

EN BREF
Au CHU d’Orléans, Orko, un golden retriever, accompagne les enfants victimes de violence ou de maltraitance et les aide à se détendre lors de leur audition.

Produit et publié par Le Pèlerin magazine le 7 avril 2024

« C’est une situation compliquée qui nous attend », prévient Amandine Bonnefond, en pénétrant dans le bureau de l’unité d’accueil pédiatrique des enfants en danger (UAPED) d’Orléans (Loiret). La gendarme de la brigade de recherche n’est pas en uniforme ce jour-là, elle vient pour auditionner une adolescente victime de violence sexuelle. L’enquêtrice craint qu’elle refuse de témoigner. Elle se montre « agressive », « dans l’opposition ». L’équipe compte sur Orko pour l’amadouer. Le chien, affalé sur le sol, se redresse en entendant son nom. L’adolescente a accepté la présence du golden retriever durant l’audition, comme 90 % des enfants à qui elle a déjà été proposée.

Seuls face à l’enquêteur

La cheffe de service Barbara Tisseron, pédiatre légiste, n’a de cesse de rendre le parcours judiciaire moins pénible aux enfants. Dans ce lieu qui recueille la parole des jeunes victimes de violences physique, psychique ou sexuelle, et atteste des blessures, les locaux sont lumineux et colorés. Pédiatre, psychologue, infirmière, assistante sociale et gendarmes se rassemblent autour de la victime pour lui éviter de répéter les faits traumatisants. Des clowns de l’association Le Rire médecin interviennent avant l’audition… Mais pendant celle-ci, les enfants restent seuls face à l’enquêteur. Depuis 2021, ils peuvent s’appuyer sur la présence rassurante d’Orko, le premier chien d’assistance judiciaire à intervenir dans une UAPED.

S’il travaille avant tout en salle d’audition, il peut aussi parfois faciliter les entretiens psychologiques. © Géraldine Aresteanu

Effet magique

La référente d’Orko n’est autre qu’une infirmière du service, Anne-Laure Toulmé. Elle évoque l’« effet magique du chien » sur les adolescents : « Ils arrivent fermés, les mains dans les poches, refusent de parler. Avec le chien, leur attitude peut complètement changer. » Amandine Bonnefond apprécie également la présence de l’animal pour les plus petits. « Depuis qu’Orko est là, je n’ai plus d’enfants terrorisés qui refusent de me suivre en salle d’audition. On leur tend la laisse, et c’est le chien qui les y conduit, sans stress », détaille la gendarme, qui y voit l’occasion de « rééquilibrer le rapport de force » entre l’enquêteur et l’enfant. L’équipe égrène ainsi les exemples où un geste d’Orko, fait au bon moment, a pu délier une parole : une patte posée sur le bras, la tête sur un genou… « En évoquant un fait traumatisant, l’enfant, submergé par l’émotion, se déconnecte de l’instant présent. Le contact du chien lui permet de se recentrer sur ce qu’il a à dire », explique Jeanne Foulon, psychologue de l’unité.

L’enquêtrice Amandine Bonnefond attend qu’Orko se place à côté de l’enfant pour le mettre en confiance. © Géraldine Aresteanu

A portée de caresse

Amandine Bonnefond vient de commencer son audition. La jeune fille rétive s’assied à droite du canapé rouge. Elle passe un long moment à jauger le chien, qui reste assis bien droit à ses côtés. Il finit par s’allonger, la tête à portée de caresse. L’enquêtrice l’encourage à parler de sa passion du manga. Une main vient timidement chercher le pelage de l’animal. Au bout de quelques minutes, elle glisse ses doigts sous la patte du chien : « Je me suis toujours demandé si les chiens étaient chatouilleux ! » Orko frémit. Elle sourit. Une heure plus tard, l’entretien terminé, Orko se redresse et pose sa patte sur le bras de l’adolescente. La jeune fille enfouit sa tête dans le cou de l’animal et l’enlace. « Le chien l’a détendue. Je n’y croyais pas ! » lance l’enquêtrice en revenant dans le bureau avec tous les éléments pour confondre l’agresseur.

« Orko, c’est comme un collègue de travail », estime l’équipe de l’UAPED ici réunie le matin, avant les auditions. © Géraldine Aresteanu
Barbara Tisseron, cheffe de service de l’UAPED

« Aujourd’hui, l’unité aurait du mal à se passer d’Orko », admet Marie-Laure Toulmé en flattant le chien pour le féliciter de sa journée. Outre les auditions, les examens médicaux et les entretiens psychologiques se trouvent facilités par sa présence apaisante. « Le chien, choisi pour son calme, a été élevé pour ressentir les émotions et soutenir les humains quand ils en ont besoin », insiste sa référente qui dès le départ a accepté de l’accueillir chez elle. Une vie qui n’est pas de tout repos. « Pour le chien, c’est éreintant », admet Barbara Tisseron.

Besoin de vacances

Elle n’hésite donc pas, après une audition lourde, à lui épargner la suivante. « Comme nous, il a besoin de vacances », renchérit Marie-Laure Toulmé, qui veille à lui aménager des loisirs. Promenades le soir en Sologne, bains de rivière, farniente au soleil en été, veillées au coin du poêle en hiver… En fin de journée, Orko ne se fait d’ailleurs pas prier pour grimper dans le coffre de la voiture de sa maîtresse. « Quand on part en vacances, on a moins de places pour les valises ! » sourit-elle.

Adepte d’un journalisme de terrain, proche des gens, je mets en avant les initiatives qui fonctionnent. Spécialiste de la petite enfance, l’éducation et la jeunesse, c'est une façon de m’interroger sur l’espérance du monde.

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